Atelier non voyants : représentation mentale de machine de fabrication numérique
- Éducation de qualité
- Travail décent et croissance économique
- Inégalités réduites
- Partenariats pour la réalisation des objectifs
Faire découvrir et comprendre, en mobilisant l'ouïe, le toucher, et par l'échange oral :
La forme physique, le fonctionnement mécanique interne d'une machine (ici une imprimante sans brevet Braillerap) à des non-voyants.
La logique d'envoi de commandes logicielles à cette machine par les concepts de commande numérique, de protocole et de messages.
- Quelles commandes numériques engendrent quelles actions et comment
- Quel est le rôle des parties de la machine permettant de la relier à l'utilisateur via une interface logicielle (Commandes Gcode vers la carte électronique elle-même reliée aux parties mécaniques)
La conception même de la machine en terme de grammaire numérique : comment ont été conçus et fabriqués les éléments physiques (boitier en découpe laser, éléments imprimés en 3D, mécanique, transmission par fichiers ouverts et mode d'emploi).
Le principe de licence ouverte appliqué à des objets : Open hardware.
Cet atelier vise à obtenir, avec des personnes non-voyantes, une représentation mentale complète proche de celle que procurent des plans, une représentation 3D réelle ou virtuelle, une démonstration de fonctionnement pour une personne voyante.
Il permet de poursuivre plus loin vers la découverte des briques de fabrication numérique (Atelier "See my fablab"):
- Impression 3D
- Découpe laser
- Code et cartes électroniques
- Documentation ouverte.
La braillerap, comme toute imprimante 3D ouverte de type reprap, comprend les grandes familles de matériaux suivants :
- Boitier fabricable à partir de plans de découpe laser : bois ou acrylique
- Pièces spécifiquement conçues pour la machine et imprimées en 3D : plastique PLA ou ABS
- Pièces mécaniques fixes et mobiles : fournitures de magasin de bricolage. Métal, caoutchouc, etc.
La présence de ces matériaux permet de partir des parties constituantes de la machine et de les relier à des processus de transmission numérique / fabrication à partir de fichiers téléchargeables.
Appliquer cette méthode avec une autre machine est tout à fait possible mais à condition d'avoir au moins une partie découpée et une partie imprimée en 3D à partir de fichiers numériques ainsi qu'une carte électronique de commande. Par exemple une imprimante 3D sans brevet de type Reprap.
Il est important de veiller à ce que les personnes non-voyantes puissent accéder facilement et surtout circuler sans danger dans le lieu de l'atelier. Un fablab est un lieu idéal où alors un Espace Recevant du Public (ERP).
Il faut veiller à ce que les personnes non voyantes, qui viendront pour la première fois dans le lieu, puissent y entrer et arriver sans encombre dans la zone d'atelier. Il est recommandé de les attendre et de les accueillir à l'entrée.
Il faut éliminer le maximum de risques de chutes et de heurts avec des obstacles, au niveau de la marche, et au niveau du corps et de la tête. Ceci signifie faciliter au maximum l'accès à la zone d'atelier depuis la porte d'entrée. En gros bien ranger le trajet d'accès, ne rien laisser trainer au sol.
Il faut accompagner les personnes vers l'espace de travail et largement utiliser la voix dans chaque étape : la bienvenue, le guidage, l'invitation à participer.
Le guidage est critique lors de tout déplacement, si les personnes viennent pour la première fois. Soit les personnes sont accompagnées par des guides, ce qui facilite leur mobilité, soit il est recommandé de recruter des personnes dans le lieu qui vont pouvoir prendre le bras où la main des personnes pour les guider jusqu'à la zone de travail. Il est efficace de prévenir des obstables que les personnes vont détecter (la plupart ont des cannes blanches) en les décrivant AVANT qu'ils ne les détectent. Ceci permet de décrire l'environnement, de tisser la confiance et de commencer à coopérer avant l'atelier.
Pour un atelier de ce type il suffit de disposer d'une table et de la Braillerap. L'objectif, est après un accueil convivial, que les personnes arrivent sans encombre à s'asseoir et se détendre. En effet, rester debout pour un tel atelier est une fatigue inutile. Avoir des personnes assises autour d'une table en étant proches (comme pour un repas) permet non seulement de faire toucher la machine à chaque personne, mais aussi des explorations tactiles collectives spontanées en début d'atelier.
Il faudra bien veiller à pouvoir accompagner ou faire accompagner si nécessaire les personnes qui auront besoin de se rendre aux sanitaires, ou de s'isoler pour passer un coup de téléphone personnel. Veiller à ce que l'accès à une zone privative et aux sanitaires soit le plus simple et dénué d'obstacles que possible.
- Si des guides sont présents : ils peuvent poser des questions, participer. Mais peuvent aussi être sollicités pour guider les personnes.
- S'il n'y a pas de guides, il est recommandé en plus de la personne qui anime l'atelier d'avoir un à deux alliés qui vont surtout épauler dans le guidage entre l'arrivée des participants et la fin de l'atelier. En dehors de cette phase on a pas besoin d'aide particulière.
Pour 7 personnes, il est confortable d'avoir 2 à 3 personnes aidant au guidage en prenant la main de plusieurs participants.
Ces participants savent s'appuyer les uns sur les autres : si un d'entre eux est guidé, la plupart des autres vont physiquement suivre le mouvement en mettant la main sur l'épaule les uns des autres etc.
- De débrancher totalement du secteur la machine Braillerap ou la machine à découvrir avant l'atelier
- De vérifier que le trajet entre la zone d'atelier et l'entrée-sortie du lieu, les sanitaires, sont dégagés de tout piège ou obstacle
- De ne rien laisser trainer (objet coupant, pointu...) dans la zone de travail : on doit pouvoir se concentrer sur l'essentiel et ne pas se blesser.
Il faut aussi veiller à la sécurité lors des phases de mobilité : s'il y a une pause déjeuner, il faut aussi repérer les obstacles sur le trajet...
Les deux points de vigilance sont : la mobilité dans le lieu (obstacles, etc), et le débranchement électrique total de la machine qui va être découverte par les participants.
Si vous disposez d'une machine Braillerap vous pouvez le réaliser sans investissement en partenariat avec une ou des associations partenaires, voire dans un lieu souhaitant explorer l'inclusion et le partage avec les personnes en situation de handicap.
Il existe quelques associations spécialisées pour croiser le potentiel de la fabrication numérique et du handicap, comme My Human Kit. Le réseau des fablabs solidaires de la fondation Orange rassemble de nombreuses initiatives inclusives également.
Attention, si vous souhaitez rejouer cet atelier en Afrique, nous avons constaté, au Cameroun, que les personnes en situation de handicap qui chaque jour doivent se mobiliser à fond pour subsister ne participent pas à des ateliers sauf si leur transport, leur repas, sont pris en charge. Voire même si leur participation n'est pas rémunérée. Pour les mobiliser il convient donc bien en amont de l'atelier (par exemple 4 semaines) de les mobiliser au travers des associations de personnes concernées, de centres de formation ou d'établissements spécialisés. Si cela est possible pour vous et vos partenaires, surtout que la jauge recommandée est faible pour jouer cet atelier, offrez à coup-sûr le déjeuner dans le cas où l'atelier se tient le matin... et faites le savoir avant.
Après l'atelier, il est très intéressant de pouvoir diffuser sur internet du son, et non de la vidéo uniquement, afin de permettre aux participants de relayer aux autres non-voyants l'information sur l'atelier. Il est donc judicieux de procéder à des interviews de participants rediffusables au format mp3 et de les faire circuler par mail, messagerie mobile, internet. Exemple ici.
Attention, paradoxalement l'accessibilité des plateformes les plus puissantes de rediffusion de podcasts et de sons (comme soundcloud) ne fonctionne pas bien. Donc si possible, et même si vous les utilisez, essayez de donner accès à ces publics au fichiers mp3 disponibles sur internet, via n'importe quel outil de partage de fichiers (nextcloud, google drive, ftp). Par exemple par une page internet simplifiée avec juste les liens et les textes de liens. Exemple ici.
L'accueil doit se faire non pas dans la salle où se tient l'atelier, mais à la porte d'entrée de l'endroit où arrivent les personnes. On y attend que tout le monde arrive, puis on se déplace en guidant le groupe.
A partir du moment où vous avez l'attention des personnes, votre voix est écoutée. Présentez-vous, et surtout décrivez l'environnement à chaque déambulation pour aider les personnes à se situer dans le lieu si elles ne le connaissent pas. Souhaitez bien la bienvenue également aux guides ou proches éventuels pour tisser de la confiance.
Veillez à ce que tout le monde arrive sans encombre ni obstacle dans la salle où se tient l'atelier. Puis installez les personnes debout ou mieux sur des chaises autour de la table d'atelier. A cette occasion, observer le nombre de personnes qui disposent d'un guide, celles qui n'en ont pas, pour pouvoir si nécessaire guider ou faire guider les personnes qui en auraient besoin durant l'atelier (accès aux sanitaire, besoin de s'isoler pour un appel...)
Positionner la machine au centre de la table.
L'atelier peut commencer.
On va donc juste donner les consignes suivantes :
- Nous allons ensemble essayer de découvrir et de comprendre comment fonctionne la machine.
- Pour cela nous allons toucher ses différentes parties et en décomposer le fonctionnement.
- Il n'y a pas de partie dangereuse ou tranchante dans la machine. Pas d'électricité. C'est sans danger.
- Il ne faut JAMAIS forcer sur une partie de la machine, pour ne pas la casser.
- Personne n'a jamais touché cette machine dans l'assistance ? Dans ce cas il est normal de ne rien savoir. Il n'y a pas de mauvaise question : tout est à découvrir ensemble.
- Cet atelier est expérimental : nous sommes aussi en découverte, et demandons à tous et toutes de tenter un voyage dans la machine, sans prétendre à sa perfection.
Par exemple une imprimante 3D.
Cependant pour qu'il aie une efficacité maximum il est recommandé de faire découvrir une machine elle-même construite dans un fablabs sur la base de matériaux et de fichiers adaptés aux concepts clés :
- des pièces imprimées en 3D constitutives de la machine
- un boitier ou des pièces découpées d'après des fichiers (typiquement plaques de bois en découpe laser)
- des pièces mécaniques mobiles qui bougent en fonction de commandes numériques (rails, chariots, glissières)
- Une carte électronique de contrôle (clône arduino, raspberry pi, MKS), dans l'idéal accessible au toucher.
Et surtout qu'on puisse accéder avec les mains le plus facilement possible à ces briques. Une machine impossible à ouvrir ou complètement carénée est inutile car on ne peut en toucher l'intérieur.
En général ces types de machines (repraps, traceurs, découpes lasers, imprimantes 3D), fabriquent ou modifient des objets. Il faut si possible disposer d'objets fabriqués par la machine à découvrir, qui sont des attracteurs (on part de la réalisation et de l'intérêt qu'elle suscite pour expliquer comment cela est fabriqué)
.
Evidemment pour ce type de public, il s'agit de feuilles de papier embossées en Braille par la machine braillerap.
- Pour une imprimante 3D il s'agira d'objets en plastique imprimés.
- Pour une découpe laser, d'objets fabriqués sur base de découpe.
On excluera les traceurs (https://opensource.com/article/18/3/diy-plotter-arduino en anglais)qui produisent un résultat visuel ici inexploitable.
Donc on a pas de temps de pause comme pour un atelier d'une journée.
Les pauses vont plutôt se situer dans des phases pédagogiques où on va s'exposer aux questions des participants. La nature de leurs questions va nous permettre d'évaluer leur niveau de compréhension.
Lors de ces phases de questions, on ne va pas forcément répondre en tant qu'animateur/trice, mais voir si quelqu'un d'autre a la réponse. Si une personne a mal compris, mais une autre bien compris, on suscite la coopération en faisant répondre un participant à un autre. Et on corrige si nécessaire.
Il n'y a pas de temps de pause à proprement parler, mais plutôt des pauses courtes de ce type entre les étapes de découverte.
Il n'y a donc pas de défi de fabrication à proprement parler.
Déplacement guidé, et description des lieux parcourus, jusqu'à la salle où se tient l'atelier.
Installation des personnes et de leurs guides autour d'une table sur laquelle sont préparés la machine au centre et des objets fabriqués.
Explication des consignes bienveillantes (cf ci-dessus).
Phase 1 : découverte tactile globale de la machine par l'extérieur (carrosserie, boitier)
Phase de toucher collectif libre des contours de la machine (boite, forme générale).
Phase de toucher individuel détaillé des contours et du boitier de la machine. Décomposition claire des éléments. Pour la Braillerap : on la pose sur les genoux de chaque personne pendant moins d'une minute.
On en profite pour situer les éléments remarquables. Ici les fentes de passage du papier.
On fait toucher les fentes avant et arrière de la machine qui embosse du papier. On n'hésite pas à prendre la main de la personne (il est facile de détecter qui est gaucher, qui est droitier, très vite), et à la mettre directement en contact avec la zone expliquée. Puis on lache la main et la personne "explore".
Notre méthode consiste à expliquer à tous : "on a deux fentes comme dans une boite aux lettres. Le papier va entrer dans une fente, et ressortir par l'autre fente une fois embossée en Braille. Puis on fait toucher à chacun ces deux fentes.
Chaque fois que nous écrirons ici "faire toucher", il faut bien comprendre : prendre la main d'une persone si nécessaire et la poser sur la zone expliquée. Ne jamais forcer un geste : l'accompagner par "si vous le voulez bien", "je vais vous montrer", etc. Le faire efficacement, décrire ce que l'on fait pour tous, et le faire avec chaque personne une par une. Nous conseillons d'utiliser un sens identique pour chaque phase de découverte tactile, par exemple commencer par la même personne et tourner dans le sens des aiguilles d'une montre. Il faut se déplacer autour de la table si elle est grande, pour vraiment accompagner chacun et chacune.
On hésite pas à se laisser interrompre et à répondre à toute question : on a besoin que les personnes prennent confiance et s'expriment pour vérifier plus tard les acquis. Il est important de bien avoir conscience qu'on ne met presque jamais la main des non-voyants dans des machines dans notre société. Il faut donc que tout le monde en profite au maximum car cette entrée en matière est riche en émotion pour les participants.
Autre élément remarquable, et qui peut être familier aux personnes, les trous par lesquels la machine va fonctionner et qui nous reservirons plus tard dans les explications : alimentation électrique (trou pour brancher le cable d'alimentation électrique), et le trou par lequel on branche le cable USB permettant à un ordinateur d'envoyer des commandes à la machine. Ceci permet de dire que cette machine fonctionne avec du courant, comme une imprimante de "voyant", par "ce trou", et que c'est l'alimentation électrique. Et qu'elle doit se brancher sur un ordinateur portable par "l'autre trou" (port USB A/B) comme une imprimante de "voyant", pour recevoir des commandes.
Première pause questions/réponses. On est très attentif aux comportement des personnes : qui participe, tout le monde est attentif ? Normalement des questions arrivent spontanément (mais comment la feuille bouge dans la machine ? ). Ceci nous permet de reprendre l'attention du groupe en refusant de répondre à certaines questions et en disant : "Nous allons justement voir cela après".
Phase 2 : Ouverture de la machine et découverte des pièces mobiles et mécaniques.
Le couvercle de la Braillerap s'enlève très facilement et permet d'accéder par le haut de la machine, à ses parties essentielles. Elle a part ailleurs une trappe latérale qui donne accès par le côté à sa carte électronique. Ceci nous donne deux accès à libérer pour deux entrées tactiles.
On ouvre la machine, toujours en décrivant tout ce que l'on fait. On peut aussi faire toucher le couvercle et la trappe amovible par la personne située à notre gauche et lui demander de les faire passer à la personne située à sa gauche.
On entame cette phase en rappelant que la machine n'est pas branchée, et qu'elle ne contient pas de pièce chaude ou tranchante. Qu'il ne faudra jamais forcer pour ne rien casser. Puis on va en 4 phases aller du haut de la machine vers le bas de la machine. Nous préconisons l'utilisation de métaphores pour illustrer notre approche. Avec la Braillerap nous utilisons la méthode sandwich.
Il y a 4 étages à explorer pour découvrir son fonctionnement.
Le sandwich sera donc composé de deux tranches de pain et d'une tranche de viande située entre elles.
Il est posé sur une assiette. Vous n'êtes pas obligés de parler de cette métaphore. Mais si vous la gardez en tête vous aurez votre trame de conduite d'atelier. Les tranches de pain sont les étages haut et bas avec des rails de guidage. La feuille de papier est la tranche de viande. L'assiette située dessous, c'est la carte électronique.
Les rails de guidage sont des éléments fondamentaux des machines de fabrication numérique. Ils sont faciles à toucher sur de bonnes parties de leur longueur. Et spontanément les doigts ne peuvent s'arrêter que sur le chariot ou la pièce mobile qui circule dessus.
Etage du haut : rails de guidage et chariot "enclume". Courroies et poulies.
- On fait toucher les rails qui parcourent la machine dans sa longueur à partir du haut de la machine.
- On fait toucher les pièces qui tiennent ces rails à chaque extrémité : des bouts de plastique. Elles ont la forme voulue car elles ont été imprimées en 3D par d'autres machines. Elle-mêmes sont fixées par des vis au travers du boitier. On les fait toucher. Au milieu de des deux rails, un obstacle. Cet obstable coulisse !
- Il coulisse le long des rails et il s'agit de ce que l'on appelle un chariot. Le chariot est mobile et les rails servent juste à guider son déplacement, de gauche à droite. Il est important de doucement faire toucher et appuyer sur les mains des personnes pour qu'elles osent "faire bouger" une pièce mobile dans la machine. Les personnes se demandent comment cette pièce peut se déplacer. On procède rapidement à cette découverte avec chaque personne (2 mn).
- Une fois que les personnes ont senti les rails, compris comment ils sont fixés, et surtout fait bouger le chariot, on pose leur main sur le chariot et on tire sur l'une des courroies qui permet de faire bouger ce chariot. "Vous sentez que cela bouge ? ". On pose alors la main de la personne sur la courroie et on la fait bouger. On remonte de la courroie vers la poulie qui entraine la courroie et on introduit proprement les termes de base : Rails de guidage, courroie, poulie qui tourne pour l'entrainer. Les personnes aveugles ont un toucher très fin : elles sentent le crantage des courroies. "Vous sentez les rainues dans la courroie ? ". Ce qui permet d'expliquer que les poulies ont des rainures, stries, pour bien accrocher les courroies, ce qui va permettre un déplacement précis du "Chariot" quand la poulie tourne. Si la position le permet, on fait glisser la main de la personne sur le haut de la poulie. On la tourne avec elle.
Bien évidemment les personnes vont demander comment la poulie va tourner. On ne répond pas maintenant.
On indique : nous allons voir cela ensuite.
Du chariot à l'axe
C'est lui qui va nous permettre d'aller plus loin en fin d'atelier, au delà de la représentation mentale de la forme et des mobilités dans la machine, pour parler de "code" et de "commandes numériques". On doit donc insister sur ce point très fortement, après la phase tactile, et oralement en s'adressant à tous et toutes.
"Vous vous souvenez à l'école on apprend en géométrie qu'on a des axes x, y ?. Et bien justement, ces chariots il sont dans un axe horizontal, qui bouge de gauche à droite, et on l'appelle l'axe X. La pièce qui bouge au milieu, c'est un chariot. Et ce chariot, il y a une enclume de fixée dessous. Cette enclume est un tube creux sur une certaine profondeur. Donc quand le chariot bouge en X, l'enclume se déplace. Cette enclume va être frappée par le pointeau."
Le terme de pointeau est bien connu des aveugles car ils écrivent en braille manuellement en coinçant des feuilles de papier dans des réglettes Braille, et y embossent eux-même le braille avec un pointeau. Normalement, on a là un moment de jonction mentale qui rapproche la découverte de la machine de choses plus familières : un pointeau va heurter une enclume. On explique que le pointeau sera sous une feuille de papier qui passera dans les fentes de la boite aux lettres, et que c'est l'enclume qui va l'arrêter pour qu'il ne transperce pas la feuille.
On a donc mentalement une logique rails de guidage/chariot mobile/courroies et poulies. Qui vont de gauche à droite dans un AXE X.
Etage du bas : rails de guidage et chariot "pointeau". Courroies et poulies
On enlève la trappe qui permet d'accéder à la carte électronique dans la machine.
Ceci permet de toucher l'intérieur, par dessous. Il faut absolument indiquer qu'il y a des fils électriques non branchés, et qu'il ne faut pas les arracher.
On procède de la même manière que pour l'étage du haut.
On a là aussi des rails de guidage, un chariot mobile, actionné par des courroies.
On reprend la même explication, mais avec un élément qui "parle" à des non-voyants qui ont appris à embosser du braille à l'école avec un pointeau manuel : l'élément qui coulisse porte le pointeau qui va frapper le papier par dessous. On fait toucher et bouger de haut en bas la base de l'électro-aimant.
Le propos : ici vous sentez quelque chose qui coulisse vers le haut. C'est un électro-aimant. Quand il y a de l'électricité, il frappe vers le haut, où le papier coulisse dans les fentes de la machine. Quand le courant ne passe pas, un ressort le remet au repos. Au bout de cet électro-aimant il y a une vis limée qui constitue un pointeau.
En général ce pointeau sert de point de repère avec un élément connu, familier. Cela permet d'avoir des réactions des participants et de les conforter dans le fait qu'ils ont compris.
Puis on passe à deux questions clés :
- Comment le chariot "enclume" et le chariot pointeau peuvent-ils se déplacer au dessus et au dessous d'une feuille de papier simultanément et avec exactitude pour aller frapper sur l'autre ?
- Comment la feuille de papier "bouge" dans la machine pour aller d'une fente d'entrée vers une fente de sortie.
Explication de la cinématique des axes X des étages haut et bas.
Imaginons un manche à balai horizontal et une corde reliée à un seau. On fait passer la corde par dessus le manche à balai et on l'attrape de l'autre côté. Cela permet de soulever le seau en tirant sur la corde.
Imaginons une autre corde sur le même manche à balai avec un autre seau également relié par une autre corde.
Si je tire sur les deux cordes de 20 cm vers le bas, je soulève les deux seaux de 20 cm EN MEME TEMPS, et DE LA MEME DISTANCE. Ici l'astuce, c'est que l'on a la même chose, sauf que l'axe autour duquel tournent les cordes (les courroies donc) est VERTICAL. Donc quand on tire sur les courroies de 10 mm, on bouge les deux chariots simultanément le long des rails des deux étages. On fait alors toucher l'axe d'entrainement des deux chariots. On explique que la courroie est une boucle à laquelle est attaché le chariot, qui "suit" le mouvement.
On a donc une barre verticale avec deux poulies et qui entraine les chariots de deux étages en même temps, de gauche à droite en axe X.
Premier contact avec un moteur.
On sort les mains de la personne et on les fait entrer par dessous pour toucher le moteur d'entrainement de la courroie, et sa poulie. On s'appuie sur sa forme carrée en expliquant qu'il s'agit d'un moteur "pas à pas" qui se déplace avec une grande précision sans faire d'erreurs. Si on lui demande de tourner pour tirer la courroie de 2cm et 5 mm, il le fait exactement. Quand l'axe du moteur tourne, les chariots se déplacent.
Explication de l'étage intermédiaire (étage 2, avec la planche sur laquelle se déplace le papier)
On passe à l'étage 2 qui est celui qui est situé entre les deux fentes avant et arrière de la machine, et permet à la fois de supporter et déplacer une feuille de papier.
- On fait toucher une fente, et au travers la plaque de bois sur laquelle le papier va glisser.
- On fait toucher les pièces plastiques qui maintiennent le papier en place. On explique que cela empêche le papier de boucher sauf vers l'avant et l'arrière. On explique que des butées sur les côtés permettent l'alignement d'une feuille de format A4 standard.
- Puis on fait toucher les petits rouleaux de plastique qui dépassent dans cette plaque. On les fait tourner avec le doigt de la personne : vous sentez ? Ce rouleau tourne. Il y en a un autre à côté.
- Et là on emmène les doigts d'une main sur une des molettes situées à l'extérieur de la machine pour entraîner le papier, et on pose un doigt sur une des roulettes qu'on vient de "montrer". Quand on fait tourner l'une, l'autre tourne. "Vous sentez ? " Il y a un axe qui tourne pour entrainer les feuilles de papier par dessous, avec une rondelle de caoutchouc pour accrocher au papier.
- Puis on refait l'opération similaire à l'axe X : on fait toucher la poulies qui entraînent cette rotation, et la courroie qui y est accrochée. On explique qu'il y a un axe Y. Celui qui correspond au mouvement du papier pour le faire défiler dans la machine.
- Comme pour l'axe X, on procède alors à la découverte, par le bas de la machine, du moteur d'entrainement de l'axe Y. On rappelle : on a ce moteur "carré" qui avec précision va faire tourner la poulie, qui entraine la courroie, et fait tourner un axe avec des roulettes qui accrochent et déplacent le papier.
- Comme en géométrie, on a donc deux axes : le X de gauche à droite, le Y d'avant en arrière.
- Le X bouge le pointeau, le Y bouge la feuille. On rappelle que le pointeau est au bout de l'électro-aimant et donc va frapper quand il reçoit du courant. Ceci est très important, car cela va permettre d'expliquer les commandes numériques ensuite. Et il y aura trois commandes dans le code : une pour chaque axe, et une pour le pointeau...
Phase 3 : carte électronique, commandes logicielles, lien entre logique et mécanique.
On va maintenant procéder à la découverte du plus abstrait : la carte électronique de contrôle.
On introduit le sujet en expliquant qu'on va maintenant découvrir comment les parties mobiles de la machine sont contrôlées. On prévient qu'il y a des fils reliés à une sorte de carte appelée carte électronique dans la partie qu'on va découvrir. Il va falloir faire bien attention à ne pas arracher les fils fixés à la carte électronique.
- D'abord on fait toucher rapidement le dessus de la carte électronique. On explique qu'il y a une plaque, avec des composants électroniques dessus. On pose les doigts sur deux points de repères dans l'inconnu : le trou de raccord pour un câble USB. "Le même que pour une imprimante de voyant". Puis l'endroit où sont raccordés les fils électriques d'alimentation.
On utilise ces deux notions pour expliquer que l'un des trous "alimentation" permet à la carte électronique de recevoir du courant et de le renvoyer aux moteurs. On branche une alimentation électrique d'ordinateur portable ou une batterie de 12 V et la machine est alimentée. Il s'agit du circuit de puissance qui apporte l'énergie à la machine.
Puis on fait toucher le trou sur lequel se branche un câble USB et on explique que là on va pouvoir raccorder la machine à un ordinateur. Et que c'est l'ordinateur qui va envoyer des ordres à la carte électronique. C'est le circuit de commande par lequel on va pouvoir donner des instructions.
Le principe global à comprendre est que la carte électronique va piloter les moteurs et le pointeau.
On explique en faisant doucement toucher les fils, que chaque moteur a 4 fils branchés sur la carte. Le pointeau 2 fils (+ et - comme une pile). La carte électronique reçoit le courant électrique et l'envoie aux moteurs et au pointeau. Elle reçoit également des commandes par le cable USB. Son rôle est de tout piloter dans la machine car cette carte, comme un ordinateur, contient un programme. Ce programme "sait" comment transformer les commandes arrivant par un câble USB en rotations correctes et en actions de l'électro-aimant.
J'utilise couramment l'analogie du corps et du cerveau : tout ce que l'on a touché avant la carte électronique, c'est le corps et les membres de la machine, ce qui bouge. Ce qui va donner les ordres à ces membres, et écouter le corps, c'est le cerveau, la carte électronique.
Commandes numériques et GCode
Cette carte électronique, ce cerveau, il sait communiquer via un cable avec un ordinateur.
Sur l'ordinateur on va avoir un logiciel gratuit qui permet de copier-coller des textes ou de choisir des images pour fabriquer du Braille. C'est la partie logicielle de Braillerap, qui peut être téléchargée sur internet. Ce programme va envoyer des caractères par le câble USB à la carte électronique de la machine.
Ces caractères sont comme des SMS codés très simples qui sont lisibles par un être humain. On appelle cela du G Code, et ce sont des commandes standards utilisées par les machines à commande numérique comme les imprimantes 3D.
On donne un exemple simple : si je veux faire avancer la feuille de 1mm vers le haut, et embosser un point braille à 4mm vers la droite, la commande va être Y1 X4 S1. La commande S1 actionne le pointeau. La commande S0 le laisse revenir en position de repos. Tout texte braille est transformé par le logiciel sur l'ordinateur en longue série de commandes de déplacements en GCode, qui arrivent dans la machine via le câble. Le papier, les chariots, l'aimant font le reste.
La machine éxécute simplement le travail : interprétation des commandes par la carte électronique qui contrôle ensuite par des impulsions électriques les mouvements des parties mécaniques. Toute machine à commande numérique fonctionne avec ou sans ordinateur avec ce type de carte. Ce type de carte est reliée aux parties des machines pour les contrôler. Elle peut être programmée avec un ordinateur, fonctionner avec ou sans ordinateur relié en permanence suivant le modèle. La logique est toujours la même, que le langage de commande soit le GCode ou un autre langage.
C'est un gros morceau pédagogique. Il faut alors faire une pause, et répondre aux questions.
Si les personnes ont bien compris cela, on reprend l'analogie corps-cerveau, cette fois-ci pour expliquer la notion de "capteurs". "Comme les oreilles par exemple." La carte électronique peut aussi recevoir des signaux et s'arrêter en urgence ou effectuer des actions automatiques. Si on a le temps, on fait alors toucher l'un des deux interrupteurs de fin de course situés dans la machine. Hélas, ils sont plutôt difficiles d'accès. On explique que ces interrupteurs sont reliés à la carte électronique et que quand ils se ferment, elle le sait. Elle peut alors effectuer une fonction automatique comme faire sortir la feuille en faisant tourner l'axe Y.
Puis on récapitule :
- On a des pièces mécaniques mobiles ou fixes
- Avec des axes entrainant des chariots
- Les moteurs et le pointeau sont des "actuateurs", c'est à dire des parties commandées par la carte électronique qui leur envoie du courant.
- La carte électronique pilote toute la mécanique, le pointeau, les moteurs.
- Elle reçoit un courant de puissance, et des commandes numériques via un câble USB
- Ces commandes sont ici envoyées par un ordinateur qui les calcule avec un logiciel
- La carte électronique peut "écouter" des interrupteurs et éxécuter des routines automatiques. Dans ce cas on parle de "capteurs"
Phase 4 : contre-éclairage et revisite de la machine
Ceci est un bonus, difficile à faire en enfilade. Car à ce stade les partipants auront fait beaucoup d'efforts de visualisation et d'apprentissage. On peut le faire lors d'un atelier "See My Fablab" (documentation en travaux), ou pour déclencher une vague d'échanges.
Comme tout le monde connaît maintenant très bien la machine, on va expliquer que :
- le couvercle et le boitier de la machine ce sont des dessins sur ordinateur. Qu'un logiciel les a transformé en commandes numériques sur les axes X et Y en GCode pour piloter non pas une imprimante braille, mais une machine à commande numérique de découpe de bois. Donc ce boitier est lui-même téléchargeable via son dessin et refabricable là où il y a ce type de machine. Le format de référence pour ces dessins est le .SVG ou .DXF c'est à dire dessin vectoriel. Comme on a un format de référence pour le son avec le .mp3.
- les pièces plastiques, spécialement conçues pour la machine, sont disponibles également en téléchargement via des fichiers représentant des formes en 3D. Les machines qui savent les utiliser sont les imprimantes 3D. Elles ont des chariots, une carte électronique, trois axes, pour déplacer un outil qui pose un fil de plastique fondu couche par couche jusqu'à former un objet. Le format de référence est ici le .stl.
- La carte électronique doit contenir un programme conçu pour l'aider à contrôler la machine. Ce programme est un logiciel libre et est injecté avec un ordinateur dans la carte électronique avec un logiciel et un cable USB. Un des formats de référence est le .ino, fichiers en programmation arduino, très utilisé pour les machines à commande numérique. On peut modifier le programme soi-même avec un ordinateur.
- Enfin, le reste des pièces détachées est appelé dans le jargon, les "vitamines". Il s'agit des vis, poulies, courroies, pièces de bricolage assemblées dans la machine. La seule façon de savoir comment les monter c'est d'avoir un mode d'emploi étape par étape. Ce mode d'emploi est un document exactement comme une recette de cuisine : on appelle cette recette documentation de fabrication. Cette recette peut être téléchargée au format pdf.
Ce qui signifie que si on a les machines nécessaires (ou des lieux partenaires avec les machines), et le mode d'emploi, on peut refabriquer les pièces bois, plastique, télécharger le programme pour la carte électronique et le logiciel braille, en suivant un document mode d'emploi. C'est comme cela que voyagent les objets libres !
On peut alors expliquer que comme pour wikipedia, les textes, formes, fichiers, peuvent être versés dans le bien commun de l'humanité et servir sur place. Que les fablabs utilisent cette technique pour partager des machines et les améliorer là où ils sont. Que ce principe est appelé : fabrication distribuée.
Attendez-vous à une foule de questions, et surtout à un grand intérêt des personnes pour visiter un fablab !
Cet atelier est idéal pour précéder un échange d'une heure trente autour des améliorations de la machine.
Vous découvrirez alors une nouvelle méthode de participation des personnes concernées à l'amélioration des aides techniques au handicap, par leur intervention, comme des ingénieurs, dans toutes les parties de la machine (et non pas seulement en expression de besoin, puis test de prototypes).
Un exemple ici avec le compte-rendu d'un échange de ce type: l'atelier de Brainstorming Améliorations Machine.
Bonne chance !
Il peut être suivi par un atelier de brainstorming amélioration de machine.
Bien-sûr vous pouvez aussi fabriquer votre propre Braillerap lors d'un atelier d'assemblage tous publics (doc de fabrication en pied de la page).